
Les cultures vivrières traditionnelles représentent un pilier fondamental de la sécurité alimentaire mondiale et un patrimoine culturel inestimable. Face aux menaces croissantes liées à l’agriculture industrielle, aux changements climatiques et à la biopiraterie, la protection juridique de ces cultures devient une nécessité impérieuse. Entre savoirs ancestraux et enjeux contemporains, les systèmes juridiques nationaux et internationaux tentent d’élaborer des cadres adaptés pour préserver ces ressources. Ce défi complexe implique de concilier droits des communautés locales, propriété intellectuelle et conservation de la biodiversité, dans un contexte où s’affrontent différentes visions du vivant et de son appropriation.
Fondements juridiques de la protection des cultures vivrières traditionnelles
La protection juridique des cultures vivrières traditionnelles s’inscrit dans un cadre normatif complexe qui s’est construit progressivement au cours des dernières décennies. Ce cadre repose sur plusieurs piliers fondamentaux qui tentent d’appréhender les multiples dimensions de ces cultures – à la fois ressources biologiques, patrimoine culturel et savoir traditionnel.
Au niveau international, la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) de 1992 constitue une pierre angulaire de ce dispositif. Elle reconnaît explicitement la souveraineté des États sur leurs ressources génétiques tout en affirmant la nécessité de protéger les savoirs traditionnels des communautés autochtones et locales. Son article 8(j) enjoint spécifiquement les États parties à « respecter, préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales » relatives à la conservation de la biodiversité, y compris les pratiques agricoles traditionnelles.
Le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA), adopté en 2001 sous l’égide de la FAO, vient compléter ce dispositif en se concentrant spécifiquement sur les ressources génétiques végétales. Il reconnaît la « contribution énorme » des communautés locales et des agriculteurs à la conservation des ressources phytogénétiques et instaure un système multilatéral d’accès et de partage des avantages pour certaines cultures vivrières considérées comme essentielles à la sécurité alimentaire mondiale.
Droits des agriculteurs et reconnaissance juridique
Au cœur de ces instruments se trouve le concept de « droits des agriculteurs », qui reconnaît la contribution historique des communautés paysannes à la conservation et au développement des ressources phytogénétiques. L’article 9 du TIRPAA consacre ces droits qui comprennent :
- La protection des connaissances traditionnelles
- Le droit de participer équitablement au partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources phytogénétiques
- Le droit de participer à la prise de décisions sur les questions relatives à la conservation et à l’utilisation durable des ressources
Sur le plan régional, des instruments comme le Protocole de Swakopmund adopté par l’Organisation Régionale Africaine de la Propriété Intellectuelle (ARIPO) en 2010 offrent des cadres juridiques spécifiques pour la protection des savoirs traditionnels et des expressions du folklore, incluant les pratiques agricoles ancestrales.
Au niveau national, les approches varient considérablement. Certains pays ont opté pour des systèmes sui generis, c’est-à-dire des régimes juridiques spécifiquement conçus pour protéger les savoirs traditionnels et les ressources génétiques. Le Pérou, par exemple, a adopté la loi n° 27811 qui établit un régime de protection des connaissances collectives des peuples autochtones liées aux ressources biologiques. L’Inde, quant à elle, a mis en place la Loi sur la diversité biologique de 2002, qui exige le consentement préalable des communautés locales pour l’accès aux ressources biologiques et aux savoirs associés.
Ces fondements juridiques, bien qu’ils représentent une avancée notable, demeurent caractérisés par une certaine fragmentation et des difficultés de mise en œuvre effective. Le défi principal réside dans l’articulation entre ces différents niveaux normatifs et dans la capacité des communautés locales à faire valoir concrètement leurs droits dans un contexte mondial marqué par des rapports de force inégaux.
Tensions entre propriété intellectuelle conventionnelle et protection des cultures traditionnelles
La rencontre entre les systèmes de propriété intellectuelle conventionnels et les cultures vivrières traditionnelles génère des tensions fondamentales qui mettent en lumière les limites des cadres juridiques actuels. Ces frictions résultent de conceptions divergentes du savoir, de l’innovation et de la propriété.
Le système de propriété intellectuelle dominant, principalement articulé autour des brevets, des droits d’obtentions végétales et des marques, repose sur des principes qui s’avèrent souvent inadaptés aux réalités des cultures vivrières traditionnelles. Il privilégie l’innovation individuelle, la nouveauté, l’inventivité et l’application industrielle. Or, les savoirs liés aux cultures vivrières traditionnelles sont généralement collectifs, transmis de génération en génération, évolutifs et non figés dans le temps.
L’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a généré des préoccupations particulières. Son article 27.3(b) exige des membres qu’ils prévoient la protection des variétés végétales soit par des brevets, soit par un système sui generis efficace. Cette disposition a conduit de nombreux pays en développement à adopter des lois conformes à la Convention de l’Union pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV), qui privilégie un modèle de protection favorisant l’agriculture industrielle au détriment des pratiques traditionnelles.
Le phénomène de la biopiraterie
La biopiraterie illustre parfaitement ces tensions. Ce terme désigne l’appropriation illégitime de ressources génétiques et de savoirs traditionnels, souvent par le biais de droits de propriété intellectuelle, sans consentement préalable des communautés détentrices ni partage équitable des avantages. Plusieurs cas emblématiques ont impliqué des cultures vivrières traditionnelles :
- Le brevet sur le riz Basmati obtenu par la société américaine RiceTec en 1997, partiellement révoqué suite aux protestations du gouvernement indien
- Les brevets sur le haricot jaune Enola, obtenu par un entrepreneur américain à partir de semences mexicaines, finalement annulé après une longue bataille juridique
- Les tentatives d’appropriation de variétés traditionnelles de quinoa originaires des Andes
Face à ces défis, des approches alternatives émergent. Le concept de « divulgation d’origine » dans les demandes de brevets gagne du terrain. Cette exigence obligerait les demandeurs de brevets à révéler l’origine des ressources génétiques utilisées et à prouver qu’ils ont obtenu le consentement préalable des communautés concernées. Cette proposition, soutenue par de nombreux pays du Sud, fait l’objet de négociations au sein de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) mais se heurte à la résistance des principales puissances économiques.
Des systèmes de documentation des savoirs traditionnels, comme la Bibliothèque Numérique des Savoirs Traditionnels (TKDL) développée par l’Inde, visent à prévenir la biopiraterie en rendant accessibles aux examinateurs de brevets les connaissances qui relèvent du domaine public selon les systèmes traditionnels. Ces initiatives, bien que prometteuses, ne résolvent pas la question fondamentale de la reconnaissance positive des droits des communautés sur leurs savoirs et leurs ressources.
La tension demeure vive entre la protection défensive (empêcher l’appropriation indue) et la protection positive (reconnaître et valoriser les droits des communautés) des cultures vivrières traditionnelles. Cette dichotomie reflète un débat plus profond sur la marchandisation du vivant et la reconnaissance de systèmes de valeurs alternatifs dans un ordre juridique international largement façonné par les conceptions occidentales de la propriété et de l’innovation.
Mécanismes juridiques spécifiques pour la préservation de l’agrobiodiversité
Au-delà des cadres généraux de protection des savoirs traditionnels, des instruments juridiques spécifiques ont été développés pour préserver l’agrobiodiversité – cette diversité cultivée qui caractérise les systèmes agricoles traditionnels. Ces mécanismes visent à contrecarrer l’érosion génétique résultant de l’homogénéisation des pratiques agricoles modernes.
Le Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, adopté en 2010 comme protocole à la CDB, constitue une avancée notable. Il établit un cadre juridiquement contraignant pour la mise en œuvre du troisième objectif de la CDB concernant le partage des avantages. En exigeant le consentement préalable donné en connaissance de cause (CPCC) des fournisseurs de ressources génétiques et la négociation de conditions convenues d’un commun accord (CCCA), il offre un levier potentiel pour les communautés détentrices de variétés traditionnelles.
Les systèmes de certification et d’indication géographique représentent un autre mécanisme prometteur. Les indications géographiques (IG), protégées par l’Accord ADPIC, permettent d’identifier un produit comme étant originaire d’un territoire spécifique, lorsqu’une qualité, réputation ou autre caractéristique du produit est essentiellement attribuable à cette origine géographique. Pour les cultures vivrières traditionnelles, cette protection peut valoriser les pratiques agricoles locales et offrir des débouchés commerciaux aux producteurs traditionnels.
Conservation in situ et droits des communautés
La conservation in situ des cultures vivrières traditionnelles – c’est-à-dire leur maintien dans leurs écosystèmes d’origine et dans le cadre des pratiques culturelles qui les ont façonnées – bénéficie d’une reconnaissance juridique croissante. L’article 8 de la CDB enjoint les États à promouvoir ce type de conservation, notamment en respectant les pratiques des communautés autochtones et locales.
Plusieurs pays ont développé des cadres juridiques innovants pour soutenir cette approche :
- La loi sur l’agrobiodiversité du Bhoutan de 2003 reconnaît explicitement le rôle des agriculteurs dans la conservation de la diversité des cultures
- Le Costa Rica a intégré dans sa législation des dispositions sur les « territoires de biodiversité culturelle indigène » qui protègent les systèmes agricoles traditionnels
- Le Brésil a mis en place un registre national des semences locales et traditionnelles qui permet leur commercialisation sans les contraintes imposées aux variétés commerciales
Les banques de semences communautaires constituent un autre mécanisme de préservation qui gagne en reconnaissance juridique. Ces structures locales permettent de conserver et d’échanger les semences traditionnelles tout en maintenant le contrôle des communautés sur leurs ressources. Le Népal a été pionnier en reconnaissant légalement ces banques dans sa politique nationale sur l’agrobiodiversité. De même, l’Éthiopie a intégré le soutien aux banques de semences communautaires dans sa stratégie nationale de conservation de la biodiversité.
La question des droits sur les semences demeure centrale dans la protection juridique des cultures vivrières traditionnelles. Les lois sur les semences, qui régulent leur production, leur certification et leur commercialisation, ont souvent marginalisé les variétés traditionnelles en imposant des critères d’homogénéité et de stabilité impossibles à satisfaire pour ces variétés naturellement diverses. Des mouvements de réforme émergent, comme en France où la reconnaissance des « variétés de conservation » dans le catalogue officiel a ouvert une brèche dans le système conventionnel, ou au Zimbabwe où les agriculteurs ont obtenu le droit de conserver, d’échanger et de vendre leurs semences traditionnelles au niveau local.
Ces mécanismes spécifiques, bien que prometteurs, se heurtent souvent à des obstacles dans leur mise en œuvre effective. Les asymétries de pouvoir entre les acteurs concernés, le manque de ressources pour faire appliquer les réglementations et les pressions économiques favorisant l’agriculture industrielle continuent de fragiliser les systèmes agricoles traditionnels, malgré les protections juridiques émergentes.
Études de cas : succès et échecs des protections juridiques
L’analyse de situations concrètes permet d’évaluer l’efficacité des différents mécanismes juridiques mis en place pour protéger les cultures vivrières traditionnelles. Ces études de cas révèlent tant des réussites encourageantes que des limites persistantes.
Le cas du riz Basmati illustre les défis liés à la protection des variétés traditionnelles face aux systèmes de propriété intellectuelle. En 1997, la société américaine RiceTec Inc. obtient un brevet (US Patent No. 5,663,484) couvrant des lignées de riz et leurs grains, incluant des caractéristiques du riz Basmati traditionnel cultivé depuis des siècles en Inde et au Pakistan. Suite à une contestation vigoureuse menée par le gouvernement indien, RiceTec a dû renoncer à 15 des 20 revendications de son brevet. Cette affaire a catalysé le développement en Inde d’une protection par indication géographique pour le Basmati, finalement obtenue en 2016. Ce cas démontre l’importance des mécanismes défensifs contre la biopiraterie mais souligne la réactivité plutôt que la proactivité des protections actuelles.
À l’inverse, le quinoa des Andes représente un exemple plus nuancé. Cette culture traditionnelle des communautés andines a connu un succès commercial international considérable, mais les bénéfices ont rarement atteint les communautés d’origine. La Bolivie et le Pérou ont tenté de protéger cette ressource par divers moyens juridiques, notamment en enregistrant des variétés spécifiques dans leurs systèmes nationaux de protection des obtentions végétales. Cependant, la culture du quinoa s’est rapidement développée dans d’autres régions du monde, limitant l’efficacité de ces protections. Ce cas illustre les limites des approches nationales face à des défis mondiaux et la difficulté de maintenir un contrôle sur des ressources génétiques une fois qu’elles ont quitté leur territoire d’origine.
Expériences communautaires et innovations juridiques
Les initiatives communautaires offrent souvent des exemples inspirants d’innovations juridiques. Le Parc de la pomme de terre (Parque de la Papa) au Pérou constitue un modèle pionnier. Créé en 2002 par six communautés quechuas, ce parc gère collectivement plus de 1200 variétés traditionnelles de pommes de terre sur un territoire de 12 000 hectares. Son statut juridique hybride combine droit coutumier indigène et reconnaissance par l’État péruvien. Les communautés ont développé un Accord de Repatriation avec le Centre International de la Pomme de Terre (CIP) pour récupérer des variétés conservées ex situ, et ont établi un registre communautaire des savoirs traditionnels. Cette initiative a inspiré des projets similaires dans d’autres régions du monde.
En Inde, le système des Registres de Biodiversité Populaire (People’s Biodiversity Registers), reconnu par la Loi sur la diversité biologique de 2002, permet aux communautés locales de documenter leurs ressources biologiques et savoirs associés. Ces registres, gérés par des Comités de gestion de la biodiversité au niveau villageois, servent à la fois d’outils de conservation et de preuves juridiques contre la biopiraterie. Dans l’État du Karnataka, ces registres ont joué un rôle déterminant dans la protection de variétés locales de riz comme le ‘Rajamudi’ et le ‘Mysore Mallige’.
L’expérience du teff, céréale traditionnelle d’Éthiopie, offre un contre-exemple révélateur. En 2005, l’Éthiopie a signé un accord avec la société néerlandaise Health and Performance Food International (HPFI) pour le développement commercial de produits à base de teff. Cet accord incluait un partage des bénéfices avec l’Éthiopie. Or, HPFI a obtenu des brevets en Europe sur la transformation de la farine de teff, puis a fait faillite sans avoir versé les redevances promises. L’Éthiopie s’est retrouvée dans l’impossibilité d’exporter des produits transformés à base de teff vers l’Europe en raison de ces brevets. Ce cas illustre les risques associés aux accords de bioprospection mal encadrés et l’importance cruciale d’une expertise juridique solide pour les pays riches en biodiversité.
Ces études de cas révèlent plusieurs facteurs déterminants pour l’efficacité des protections juridiques :
- L’implication directe des communautés dans l’élaboration et la mise en œuvre des mécanismes de protection
- L’articulation entre différents niveaux de gouvernance (local, national, international)
- La combinaison d’approches défensives (contre la biopiraterie) et positives (reconnaissance de droits)
- L’adaptation des outils juridiques aux contextes culturels spécifiques
Ces expériences montrent que la protection juridique des cultures vivrières traditionnelles ne peut se limiter à l’application de modèles standardisés, mais nécessite une approche contextuelle prenant en compte les réalités socioculturelles, économiques et écologiques propres à chaque situation.
Perspectives d’avenir : vers un système juridique intégré et équitable
L’évolution des cadres juridiques de protection des cultures vivrières traditionnelles laisse entrevoir plusieurs trajectoires possibles pour l’avenir. Ces perspectives s’inscrivent dans un contexte mondial marqué par des défis majeurs : changement climatique, insécurité alimentaire, perte de biodiversité et transformations numériques qui redéfinissent les rapports aux savoirs et aux ressources génétiques.
Une première voie prometteuse réside dans le développement de systèmes juridiques véritablement pluralistes, qui reconnaissent la légitimité des normes coutumières et des conceptions autochtones du vivant. Cette approche implique de dépasser la simple tolérance envers les systèmes juridiques non-occidentaux pour intégrer leurs principes fondamentaux dans les cadres normatifs nationaux et internationaux. Des expériences comme celle de la Nouvelle-Zélande, qui a accordé une personnalité juridique au fleuve Whanganui conformément à la vision du monde Māori, ouvrent des perspectives pour une reconnaissance similaire des relations spécifiques que les communautés entretiennent avec leurs cultures vivrières traditionnelles.
La négociation en cours d’un instrument international juridiquement contraignant sur les ressources génétiques, les savoirs traditionnels et les expressions culturelles traditionnelles au sein de l’OMPI représente une autre piste significative. Après plus de deux décennies de discussions, ces négociations semblent progresser vers un consensus sur certains principes fondamentaux : nécessité du consentement préalable, partage équitable des avantages, reconnaissance des droits collectifs. L’adoption d’un tel instrument pourrait combler les lacunes actuelles du droit international et offrir un cadre cohérent pour la protection des cultures vivrières traditionnelles.
Innovations juridiques et technologiques
L’émergence de nouvelles approches juridiques adaptées aux défis contemporains constitue un autre axe prometteur. Les licences à réciprocité (open source seeds) s’inspirent du mouvement des logiciels libres pour créer un commun semencier protégé contre l’appropriation exclusive. Des initiatives comme l’Open Source Seed Initiative (OSSI) aux États-Unis ou le réseau Semences Paysannes en France explorent ce modèle alternatif qui pourrait offrir une protection juridique aux variétés traditionnelles tout en préservant les pratiques d’échange et d’amélioration collective.
Les technologies numériques ouvrent également de nouvelles possibilités pour la protection des cultures vivrières traditionnelles. Les systèmes de blockchain pourraient sécuriser la traçabilité des ressources génétiques et documenter de manière incontestable le consentement préalable des communautés. Des projets pilotes comme TRIPPatent explorent l’utilisation de cette technologie pour enregistrer l’origine des ressources génétiques utilisées dans les innovations brevetées et assurer un partage équitable des bénéfices.
Le renforcement des capacités juridiques des communautés détentrices de cultures vivrières traditionnelles constitue un élément fondamental de toute stratégie future. Des initiatives comme le Programme de formation sur les politiques relatives aux ressources génétiques de l’Initiative de développement (IDD) ou le réseau Natural Justice en Afrique contribuent à ce renforcement en formant des juristes autochtones et en développant des protocoles communautaires bioculturels qui articulent les lois coutumières avec les cadres juridiques nationaux et internationaux.
Face aux défis du changement climatique, la protection juridique des cultures vivrières traditionnelles prend une dimension nouvelle. Ces cultures, souvent adaptées à des conditions environnementales extrêmes, représentent un réservoir de résilience génétique pour l’adaptation de l’agriculture mondiale. Des mécanismes juridiques innovants commencent à émerger pour valoriser cette contribution, comme le Fonds de partage des avantages du TIRPAA qui finance des projets de conservation et d’utilisation durable des ressources phytogénétiques dans les pays en développement.
L’avenir de la protection juridique des cultures vivrières traditionnelles dépendra largement de la capacité des systèmes juridiques à évoluer vers plus d’inclusivité et de flexibilité. Cette évolution nécessite de reconnaître que ces cultures ne sont pas simplement des ressources génétiques, mais des éléments constitutifs d’identités culturelles et de systèmes de connaissances complexes. Elle implique également d’accepter que leur protection ne peut se limiter à des approches défensives, mais doit inclure la reconnaissance positive des droits des communautés à maintenir, contrôler et développer leur patrimoine agricole.
Le défi ultime consiste à construire un système juridique qui reconnaisse pleinement la valeur des cultures vivrières traditionnelles dans toutes leurs dimensions – nutritionnelle, culturelle, écologique et économique – et qui permette aux communautés qui les ont préservées et développées à travers les siècles de continuer à jouer leur rôle de gardiens de l’agrobiodiversité mondiale.