Le droit de la résilience agricole face au changement climatique : cadre juridique et perspectives d’adaptation

Les phénomènes climatiques extrêmes bouleversent profondément le monde agricole, exigeant une refonte des cadres juridiques pour soutenir la résilience des exploitations. Face à la multiplication des sécheresses, inondations et variations thermiques imprévisibles, le droit rural se transforme pour intégrer les enjeux d’adaptation au changement climatique. Cette évolution juridique se manifeste tant au niveau international avec l’Accord de Paris qu’aux échelons européen, national et local, créant un maillage normatif complexe. L’émergence d’un véritable droit de la résilience agricole constitue une réponse juridique aux défis existentiels que rencontre le secteur, combinant mécanismes préventifs, outils assurantiels et dispositifs d’accompagnement des transitions agroécologiques.

Fondements juridiques de la résilience agricole dans un climat changeant

Le cadre juridique de la résilience agricole s’appuie sur un socle normatif multiniveau qui s’est progressivement constitué en réponse aux alertes scientifiques du GIEC. Au niveau international, la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) et l’Accord de Paris de 2015 reconnaissent explicitement la vulnérabilité particulière de l’agriculture face aux dérèglements climatiques. L’article 2.1 de l’Accord mentionne spécifiquement la nécessité de renforcer les capacités d’adaptation tout en garantissant la production alimentaire, créant ainsi une base juridique pour les politiques de résilience agricole.

À l’échelle européenne, la Politique Agricole Commune (PAC) a progressivement intégré les objectifs climatiques dans ses dispositifs. Le règlement (UE) 2021/2115 établissant les plans stratégiques de la PAC consacre au moins 40% du budget à l’action climatique et environnementale. Les éco-régimes, mécanismes incitatifs financiers nouveaux, récompensent les pratiques agricoles favorisant l’adaptation au changement climatique comme la diversification des cultures ou la préservation des sols.

En droit français, la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 marque un tournant significatif en inscrivant la résilience dans le corpus législatif national. Son article 268 modifie l’article L.1 du Code rural et de la pêche maritime pour y intégrer l’objectif de « renforcement de la résilience de l’agriculture face au changement climatique ». Cette reconnaissance légale se traduit par des dispositions concrètes comme l’élaboration de plans d’adaptation territoriaux ou la refonte des mécanismes de gestion des risques.

Le droit de l’eau constitue un pilier central de ce dispositif juridique émergent. La loi sur l’eau de 2006, modifiée par la loi du 30 décembre 2017 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques, établit un cadre pour la création de retenues collinaires et autres infrastructures hydrauliques destinées à sécuriser l’approvisionnement en eau des exploitations. Les Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) intègrent désormais systématiquement un volet adaptation au changement climatique.

La consécration du principe de résilience

La notion de résilience a acquis une véritable portée juridique à travers plusieurs décisions de justice. Le Conseil d’État, dans sa décision n°427301 du 19 novembre 2020 (commune de Grande-Synthe), a reconnu l’obligation pour l’État de prendre des mesures adaptées au changement climatique, créant ainsi un précédent applicable au secteur agricole. Cette jurisprudence a été renforcée par le jugement du Tribunal administratif de Paris du 3 février 2021, dit « l’Affaire du Siècle« , qui établit la responsabilité de l’État pour carence fautive dans la lutte contre le changement climatique.

Ces évolutions normatives dessinent les contours d’un véritable droit de la résilience agricole qui se caractérise par sa transversalité, mobilisant simultanément le droit de l’environnement, le droit rural, le droit des assurances et le droit fiscal pour créer un écosystème juridique favorable à l’adaptation des exploitations agricoles.

Mécanismes juridiques de gestion des risques climatiques pour les agriculteurs

Face à l’intensification des aléas climatiques, le législateur a développé un arsenal juridique sophistiqué pour sécuriser économiquement les exploitations agricoles. La loi d’orientation agricole du 13 octobre 2014 a posé les jalons d’une refonte du système assurantiel agricole, complétée par la loi du 2 mars 2022 portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

Ce nouveau cadre juridique s’articule autour d’un dispositif à trois étages. Le premier niveau relève de la responsabilité directe de l’exploitant agricole, incité à constituer une épargne de précaution défiscalisée via la Déduction pour Épargne de Précaution (DEP) instituée par l’article 51 de la loi de finances pour 2019. Ce mécanisme permet aux agriculteurs soumis à l’impôt sur le revenu de déduire jusqu’à 150 000 euros de leur bénéfice imposable pour constituer une réserve financière mobilisable en cas d’aléa climatique.

Le deuxième niveau repose sur l’assurance multirisque climatique, profondément réformée par la loi de 2022. Le nouveau dispositif prévoit une subvention publique pouvant atteindre 70% du montant de la prime d’assurance, contre 65% auparavant. L’article L.361-4 du Code rural encadre désormais précisément les conditions d’éligibilité et les garanties minimales que doivent couvrir ces contrats, incluant expressément les risques liés au changement climatique.

  • Subvention augmentée à 70% pour les primes d’assurance
  • Franchise abaissée à 20% pour faciliter l’indemnisation
  • Création d’un pool d’assureurs pour mutualiser les risques extrêmes

Le troisième niveau d’intervention, mobilisé pour les catastrophes climatiques majeures, repose sur le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) réformé par l’article 12 de la loi du 2 mars 2022. Ce fonds, alimenté par une contribution additionnelle aux primes d’assurance, intervient désormais en complément des assurances privées selon un seuil d’intervention défini par décret.

La jurisprudence a précisé les contours de ces dispositifs. Dans un arrêt du 17 septembre 2020 (n°19-14.168), la Cour de cassation a clarifié les conditions d’indemnisation en cas de sécheresse, considérant que l’intensité anormale d’un événement climatique doit s’apprécier localement et non selon des moyennes nationales, facilitant ainsi l’accès des agriculteurs aux indemnisations.

Vers une adaptation contractuelle aux risques climatiques

Au-delà des mécanismes assurantiels, le droit des contrats évolue pour intégrer la dimension climatique dans les relations commerciales agricoles. La loi EGALIM 2 du 18 octobre 2021 introduit l’obligation d’inclure des clauses de révision des prix en cas d’aléas climatiques dans les contrats d’achat de produits agricoles. Cette innovation juridique majeure permet aux agriculteurs de partager le risque climatique avec leurs acheteurs, renforçant ainsi leur résilience économique.

De plus, le développement des Paiements pour Services Environnementaux (PSE), encadrés par l’article D.315-7 du Code rural, offre aux agriculteurs une source de revenus complémentaires en rémunérant les pratiques favorisant l’adaptation au changement climatique comme la séquestration du carbone dans les sols ou la préservation des zones humides.

Cadre juridique des transitions agroécologiques face au climat

L’adaptation au changement climatique nécessite une transformation profonde des systèmes de production agricole vers des modèles plus résilients. Le droit accompagne cette mutation à travers un ensemble de dispositifs juridiques favorisant la transition agroécologique. La loi d’avenir pour l’agriculture du 13 octobre 2014 a inscrit l’agroécologie comme orientation fondamentale de la politique agricole française, créant ainsi un socle législatif pour les dispositifs d’adaptation.

Les Groupements d’Intérêt Économique et Environnemental (GIEE), institués par l’article L.315-1 du Code rural, constituent l’un des principaux leviers juridiques de cette transition. Ces structures, reconnues par l’État, bénéficient de majorations dans l’attribution des aides publiques et d’un accès privilégié aux financements de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME). Pour être reconnu, un GIEE doit explicitement intégrer des objectifs d’adaptation au changement climatique dans son projet collectif.

Le droit des baux ruraux a été modifié pour intégrer les enjeux climatiques. L’article L.411-27 du Code rural prévoit désormais la possibilité d’inclure des clauses environnementales dans les baux, même hors zones protégées, lorsque le preneur s’engage dans un mode de production agroécologique. Ces clauses environnementales peuvent imposer des pratiques favorables à l’adaptation comme la diversification des assolements ou la préservation des infrastructures agroécologiques.

Le droit fiscal joue également un rôle incitatif majeur. L’article 1395 D du Code général des impôts exonère de taxe foncière les zones humides préservées par les agriculteurs, reconnaissant ainsi leur contribution à la résilience territoriale face aux inondations et sécheresses. De même, le crédit d’impôt pour la transition agroécologique, instauré par l’article 151 de la loi de finances pour 2021, soutient financièrement les exploitations en conversion vers des systèmes plus adaptés au changement climatique.

La diversification comme stratégie d’adaptation juridiquement encadrée

La diversification des activités agricoles constitue une stratégie d’adaptation privilégiée, désormais facilitée par le cadre juridique. L’article L.311-1 du Code rural, modifié par la loi EGALIM, élargit la définition de l’activité agricole pour y inclure explicitement la production d’énergies renouvelables comme l’agrivoltaïsme. Ce dispositif permet aux agriculteurs de combiner production alimentaire et production énergétique, sécurisant ainsi leurs revenus face à la variabilité climatique.

  • Reconnaissance légale de l’agrivoltaïsme comme activité agricole
  • Simplification des procédures d’autorisation pour les méthaniseurs agricoles
  • Protection juridique renforcée pour les signes de qualité adaptés au climat local

La jurisprudence a consolidé cette approche. Dans un arrêt du 23 février 2022 (n°20-20.959), la Cour de cassation a confirmé qu’une activité de production d’énergie photovoltaïque reste de nature agricole lorsqu’elle est exercée par un exploitant sur des bâtiments agricoles, sécurisant ainsi le statut fiscal et social des agriculteurs engagés dans cette diversification.

Gouvernance territoriale et planification juridique de l’adaptation agricole

L’adaptation de l’agriculture au changement climatique s’inscrit nécessairement dans une dimension territoriale que le droit organise à travers divers instruments de planification et de gouvernance. La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale a confié aux Régions le rôle de chef de file en matière d’aménagement durable du territoire, créant ainsi un cadre institutionnel pour coordonner les politiques d’adaptation agricole.

Les Schémas Régionaux d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires (SRADDET), rendus obligatoires par la loi NOTRe du 7 août 2015, intègrent un volet adaptation au changement climatique avec une attention particulière portée à l’agriculture. Ces documents stratégiques, juridiquement opposables aux documents d’urbanisme locaux, permettent de préserver les terres agricoles les plus résilientes et d’orienter le développement agricole vers des modèles adaptés aux futures conditions climatiques.

À l’échelle locale, les Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux (PCAET), régis par l’article L.229-26 du Code de l’environnement, doivent comporter un volet spécifique sur l’adaptation de l’agriculture locale. Ces plans, obligatoires pour les intercommunalités de plus de 20 000 habitants, constituent des leviers juridiques puissants pour mobiliser les financements et coordonner les actions d’adaptation agricole.

La gestion de l’eau, ressource critique pour l’adaptation agricole, bénéficie d’une gouvernance spécifique à travers les Projets de Territoire pour la Gestion de l’Eau (PTGE). Instaurés par l’instruction gouvernementale du 7 mai 2019, ces projets constituent un cadre de négociation entre les différents usagers de l’eau, dont les agriculteurs, pour définir une stratégie d’adaptation aux futures disponibilités hydriques. Leur élaboration s’appuie sur une base juridique solide avec les articles L.211-1 et suivants du Code de l’environnement.

Le rôle émergent des collectivités territoriales

Les collectivités territoriales disposent d’outils juridiques innovants pour soutenir l’adaptation agricole. L’article L.111-2-2 du Code rural leur permet de mettre en place des Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) qui favorisent les circuits courts et les productions adaptées au climat local. La loi du 22 août 2021 renforce cette compétence en autorisant les collectivités à utiliser la commande publique comme levier de transition agroécologique.

Le droit de l’urbanisme constitue un outil majeur de préservation des terres agricoles nécessaires à la résilience alimentaire. L’article L.151-23 du Code de l’urbanisme permet aux Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) d’identifier et protéger les éléments de paysage contribuant à l’adaptation au changement climatique, comme les haies ou les zones d’expansion des crues. La jurisprudence administrative a renforcé cette protection, le Conseil d’État ayant validé dans sa décision du 8 juin 2022 (n°449903) la possibilité pour un PLU d’imposer des prescriptions favorisant l’adaptation au changement climatique sur les terres agricoles.

  • Compétence renforcée des régions en matière de stratégie d’adaptation agricole
  • Obligation d’intégrer l’agriculture dans les PCAET locaux
  • Protection juridique des infrastructures agroécologiques via les PLU

Ces dispositifs de gouvernance territoriale bénéficient d’une sécurisation juridique croissante. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°2020-809 DC du 10 décembre 2020, a reconnu la valeur constitutionnelle de l’objectif de lutte contre le dérèglement climatique, renforçant ainsi la légitimité des mesures de planification territoriale visant l’adaptation agricole.

Perspectives d’évolution du droit pour une agriculture climatiquement résiliente

Le cadre juridique de la résilience agricole face au changement climatique demeure en construction permanente, avec plusieurs évolutions majeures qui se dessinent à l’horizon. La première tendance concerne l’émergence de droits spécifiques liés au climat pour les agriculteurs. La proposition de loi relative au préjudice écologique et climatique, déposée en 2022, envisage la création d’un régime de responsabilité spécifique permettant aux agriculteurs victimes du changement climatique d’obtenir réparation auprès des émetteurs historiques de gaz à effet de serre.

Le renforcement de la protection juridique des communs environnementaux constitue une autre piste prometteuse. À l’exemple de la Nouvelle-Zélande qui a accordé une personnalité juridique au fleuve Whanganui, certains juristes proposent de reconnaître des droits aux écosystèmes agricoles résilients. Cette approche permettrait de mieux défendre juridiquement les infrastructures agroécologiques comme les haies ou les zones humides qui jouent un rôle fondamental dans l’adaptation au changement climatique.

L’intégration du risque climatique dans les instruments d’évaluation et de planification constitue une troisième évolution majeure. La directive européenne 2014/95/UE sur le reporting extra-financier, en cours de révision, devrait imposer aux entreprises agroalimentaires une évaluation plus précise de leur vulnérabilité climatique et de leurs stratégies d’adaptation. Cette obligation de transparence créera une pression juridique indirecte sur l’ensemble des filières agricoles pour accélérer leur adaptation.

La question des migrations agricoles climatiques commence également à être appréhendée par le droit. Le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières adopté par l’ONU en 2018 reconnaît explicitement les déplacements liés au climat. En droit interne, des réflexions sont engagées pour adapter le statut de fermage afin de faciliter la mobilité géographique des agriculteurs contraints de déplacer leur activité vers des zones plus propices face au changement climatique.

Vers un droit de l’agriculture régénérative

L’émergence d’un cadre juridique spécifique pour l’agriculture régénérative constitue une perspective particulièrement prometteuse. Plusieurs propositions législatives visent à créer un statut juridique distinct pour ce mode de production qui restaure activement les écosystèmes tout en s’adaptant au changement climatique. Ce statut s’accompagnerait d’avantages fiscaux et réglementaires substantiels, créant ainsi une incitation puissante à la transition des systèmes agricoles.

  • Création envisagée d’un statut juridique pour l’agriculture régénérative
  • Développement de droits carbone pour les agriculteurs séquestrant du CO2
  • Réforme du droit des semences pour favoriser l’adaptation génétique

Le droit des semences fait l’objet d’une attention particulière dans cette évolution juridique. La directive européenne 2019/1882 sur le matériel de reproduction des végétaux ouvre des perspectives pour faciliter l’utilisation de variétés adaptées au changement climatique, notamment en assouplissant les critères d’homogénéité et de stabilité pour les variétés traditionnelles résilientes.

Ces évolutions juridiques s’inscrivent dans un mouvement plus large de reconnaissance de l’agriculture comme activité d’intérêt général face au défi climatique. Cette qualification juridique, déjà amorcée dans certains textes comme la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014, pourrait être renforcée, justifiant ainsi des interventions publiques plus ambitieuses pour soutenir la résilience du secteur.

La transformation juridique comme levier de résilience agricole

L’analyse du cadre juridique de la résilience agricole face au changement climatique révèle une dynamique normative en profonde mutation. Le droit n’apparaît plus seulement comme un outil d’encadrement des pratiques, mais comme un véritable levier de transformation des systèmes agricoles vers plus de résilience. Cette évolution se caractérise par l’émergence d’un corpus juridique transdisciplinaire qui mobilise simultanément le droit rural, le droit de l’environnement, le droit des assurances et le droit fiscal.

L’efficacité de ce maillage juridique repose sur sa capacité à articuler différentes temporalités d’action. À court terme, les dispositifs de gestion des risques comme l’assurance multirisque climatique subventionnée ou la Déduction pour Épargne de Précaution permettent de faire face aux aléas immédiats. À moyen terme, les instruments de planification territoriale comme les Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux orientent les investissements vers des infrastructures agricoles adaptées. À long terme, les incitations à la transition agroécologique favorisent l’émergence de systèmes de production intrinsèquement plus résilients.

Néanmoins, plusieurs défis juridiques persistent. La complexité normative résultant de la superposition des échelons de régulation peut entraver l’accès effectif des agriculteurs à leurs droits. La jurisprudence joue un rôle croissant pour clarifier cette architecture juridique, comme l’illustre l’arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2020 qui a précisé les conditions d’indemnisation en cas de sécheresse.

Le caractère évolutif du changement climatique lui-même constitue un défi pour le droit, traditionnellement fondé sur la stabilité et la prévisibilité. Pour y répondre, de nouvelles approches juridiques émergent, comme le droit adaptatif qui intègre des mécanismes d’ajustement automatique des normes en fonction de l’évolution des conditions climatiques. La loi du 2 mars 2022 sur la gestion des risques en agriculture illustre cette tendance avec son mécanisme de révision triennale des seuils d’intervention publique.

Le droit comme facilitateur des solidarités climatiques

Au-delà des dispositifs techniques, le droit de la résilience agricole se caractérise par sa dimension solidaire. Il organise juridiquement le partage des risques et des responsabilités entre les différents acteurs: agriculteurs, filières agroalimentaires, assureurs, collectivités territoriales et État. Cette fonction de médiation sociale s’avère fondamentale dans un contexte où les tensions autour des ressources, notamment hydriques, tendent à s’exacerber sous l’effet du changement climatique.

La jurisprudence récente témoigne de cette dimension solidaire. Dans sa décision du 1er juillet 2021 (n°427301), le Conseil d’État a reconnu l’obligation pour l’État de prendre des mesures supplémentaires pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, créant ainsi un devoir de solidarité intergénérationnelle qui bénéficie indirectement au secteur agricole en limitant l’ampleur du changement climatique futur.

En définitive, l’émergence d’un véritable droit de la résilience agricole face au changement climatique témoigne d’une prise de conscience collective de la vulnérabilité spécifique de ce secteur et de son caractère stratégique pour la sécurité alimentaire. Cette branche juridique en construction, à l’interface entre protection de l’environnement et soutien à la production, pourrait constituer un modèle pour d’autres secteurs économiques confrontés aux défis de l’adaptation climatique.